GUÉRIR LA BLESSURE D'ABANDON (suite)
Par DANIEL DUFOUR
Extraits de son livre La blessure d'abandon
Les Éditions de l'Homme, 2007
Ressentir les émotions générées par l'abandon
La prise de conscience intellectuelle du fait qu'il y a eu ou qu'il y a abandon est un pas important mais ne représente en aucun cas une finalité en soi. Une prise de conscience est nécessaire au niveau des "tripes". S'accorder le droit de ressentir de la tristesse et de la colère est un pas en avant merveilleux, mais cela n'est pas synonyme de guérison, loin s'en faut. Pour pouvoir ressentir une émotion il faut impérativement se trouver dans l'ici et maintenant de son corps physique et sensoriel. On ne peut en effet ressentir demain ou hier. Pour ce faire, il faut faire taire son mental, et cela de façon répétée. Ce dernier a en effet beaucoup de cordes à son arc et nombre d'arguments à présenter à l'abandonnique. Regardons de plus près deux des ficelles qu'il utilise pour nous empêcher de ressentir nos émotions.
Notre mental nous reproche de juger. Or, ressentir une émotion telle que la colère contre une personne donnée n'est en aucun cas un jugement porté sur cette personne. Ressentir n'est pas juger! Le jugement est issu du mental, alors que l'émotion, qui est ressentie, ne peut exister que lorsque le mental a cessé d'intervenir. Ce n'est que lorsque nous sommes dans notre mental que nous dévalorisons, portons des jugements ou déprécions l'autre; cette voie est celle de l'intolérance, de la violence et de l'exclusion. Cela n'a rien à voir avec l'émotion ressentie qui résulte d'un acte d'amour que la personne s'accorde à elle-même et qui, nous le verrons, ne peut déboucher sur de la violence dirigée contre l'autre. Il est très important de faire cette distinction, car très souvent l'abandonnique s'interdit de ressentir une quelconque colère contre celui ou celle qui l'a abandonné au nom de la grande règle: "Tu dois respecter ton prochain." Certes, ce principe est louable, mais ressentir de la colère contre son prochain ne signifie absolument pas ne pas le respecter; au contraire, le juger est un acte de non-respect et de non-Amour.
Notre mental nous reproche également la force de nos émotions. En effet, les personnes qui nous entourent déclenchent souvent en nous des émotions beaucoup plus fortes que celles que nous ressentons envers des individus que nous connaissons très peu. Cette autre réalité, qui peut le freiner dans son désir de ressentir, s'impose à l'abandonnique: "Comment puis-je éprouver autant de haine à l'encontre d'un de mes proches? C'est anormal; par conséquent, il faut que je me retienne et me l'interdise", se dit-il.
La puissance
du mental est manifeste dans ces deux exemples: il utilise toutes les voies qui
sont à sa disposition pour empêcher l'abandonnique de ressentir ses émotions de
colère et de tristesse. Pour cette raison, l'abandonnique va devoir le faire
taire à chacune de ses tentatives de réapparition. Cela peut paraître
fastidieux, ce qui est une autre tentative du mental de jouer son rôle de
frein. Il faudra donc à l'abandonnique beaucoup de persévérance et le désir
profond de continuer à se respecter et à s'aimer afin de poursuivre sur la voie
de la guérison.