GUÉRIR LA BLESSURE
D'ABANDON (suite)
Par DANIEL DUFOUR
Exprimer les
émotions générées par l'abandon
Reconnaître et
ressentir ses émotions sont des pas en avant importants que l'abandonnique fait
dans le processus de sa guérison, mais ils ne lui permettront pas à eux seuls
de parvenir à celle-ci... Reconnaître que je suis malade et savoir pourquoi, en
ressentir les effets dans mon corps et en parler aux autres éventuellement ne
sont nullement synonymes de mieux-être ou de guérison; seul l'acte de vomir me
permettra de me sentir mieux. Faire cette distinction est essentiel. Beaucoup
de thérapies permettent en effet aux personnes en souffrance de reconnaître et
de parler ouvertement de leur mal-être et de sa provenance; beaucoup de
thérapies leur permettent de ressentir leur tristesse et leur colère. Mais la
plupart soit ne vont pas plus loin, soit utilisent des techniques recourant au
mental afin de transformer les "énergies négatives" en "énergies
positives". Pour cette raison, toutes sont potentiellement dangereuses,
car elles ne permettent aucunement à la personne souffrante de se libérer de sa
souffrance qui est causée par le blocage, en elle, de l'émotion par le mental.
Comprendre n'est pas l'équivalent d'exprimer, la compréhension ainsi que le
fait de ressentir n'ont jamais amené à la guérison. Je rencontre depuis vingt
ans, dans mon cabinet et ailleurs, des êtres ayant suivi un long parcours afin
de comprendre l'origine de leur mal-être, mais qui ne vont pas mieux du tout...
Mais comment
exprimer ses émotions? Cette question ne peut être posée que par un adulte. Un
nourrisson ou un enfant en bas âge ne peut la poser, car lui sait, de façon innée,
comment faire. Or, nous avons tous été un nourrisson! Mais notre éducation nous
a appris que, lorsque nous ressentons de la tristesse ou de la colère, il est
inutile de les exprimer, parce que cela ne fait pas avancer les. choses. Du
fait de cette éducation, notre mental occupe donc de nouveau le devant de la
scène et nous inhibe dans notre capacité innée à exprimer notre tristesse ou
notre colère.

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La première étape va donc consister à éteindre
notre mental et à nous remettre dans notre corps physique et sensoriel. Il
peut paraître illogique de devoir se remettre dans le moment présent pour
exprimer une émotion liée à un événement du passé, mais souvenons-nous. que
même si l'événement appartient au passé, l'émotion n'ayant pas été vécue est
encore "incrustée" dans notre être au présent. Il est par conséquent
essentiel de revenir dans l'ici et maintenant afin de se permettre de prendre
contact avec l'émotion bloquée par le mental.
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À présent que nous nous retrouvons dans notre
corps physique et sensoriel, il est possible de passer à la deuxième étape: laisser
remonter une scène du passé, au cours de laquelle nous ne nous sommes pas
autorisés à vivre nos émotions. Il est important de s'arrêter à la première
scène qui revient en mémoire et de résister au mental qui va essayer de
présenter d'autres scènes. Un des pièges consiste à décrocher de cette scène,
qui peut paraître au premier abord incongrue, au profit d'autres scènes, et de
se perdre ensuite dans l'analyse afin de déterminer quelle est la plus significative.
Bien évidemment, pendant ce temps, l'expression de l'émotion ne se fait pas et
ne peut se faire. En admettant qu'après analyse le choix se porte sur une autre
scène que celle qui a surgi en premier, il y a fort à parier que celle-ci sera
beaucoup moins révélatrice que la première, apparue sans aucune intervention de
la volonté ni du cerveau...

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La troisième étape va consister à revivre
la scène en tant qu'acteur ou actrice et non en tant que spectateur ou
spectatrice. Celui qui revoit ce qui s'est passé se trouve en effet en dehors
de la scène, il est à nouveau entre les mains du mental qui se met aussitôt à
juger et à dire quelle aurait été la réaction adéquate et opportune. Bref, le
mental amène la personne à des conclusions dévalorisantes; surtout, il bloque
de nouveau l'abandonnique dans sa marche vers la libération émotionnelle qui
est la seule voie de guérison possible. Revivre la scène en tant qu'acteur ou
actrice permet de remonter au moment le plus douloureux puis de faire un arrêt
sur image; le but est alors de ressentir physiquement dans son corps la boule,
le nœud ou toute autre tension qui se manifeste. Cette tension n'est pas de la
tristesse ou de la colère, mais l'expression par le corps qu'il existe un
blocage de ses émotions par le mental. Les signes donnés par le corps physique
peuvent être très légers au départ, mais ils prennent de l'importance au fur et
à mesure que le mental perd de son contrôle...