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L'ÉCHO DES MURAILLES, L'ÉCHO DES ENTRAILLES. Une installation murale en pratique relationnelle de Nadia Nadege, artiste qui a permis la création de ce blogue pour un échange entre femmes vers leur meilleure conscience identitaire...
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AFRIQUE DU SUD, AOUT 2010
By Kristin Palitza, freelance writer and editor http://www.kristinpalitza.com/


"J’avais depuis quelques années une grosseur dans le sein, que j’ai ignorée [principalement parce qu’elle] ne faisait pas mal", déclare Tracey Derrick.

Lorsqu’elle est allée enfin voir un docteur pour une biopsie, elle a eu un grand choc. Le résultat était positif: un cancer de sein.

Cette mère de deux enfants, âgée de 49 ans, originaire de Malmesbury, une petite ville de la province du Cap Ouest en Afrique du Sud, devrait se faire enlever chirurgicalement une tumeur – et son sein droit -, et subir une chimiothérapie. Mais elle a été aussi chanceuse: le cancer n’avait pas encore gagné son corps.

En Afrique du Sud, une femme sur neuf souffre du cancer de sein, selon l’Organisation mondiale de la santé. Dans la plupart des cas, les tumeurs sont diagnostiquées tardivement parce que la plupart des sud-africains comptent sur les services d’un système surchargé de soins de santé publique qui n’offre pas des examens médicaux pour le cancer de sein, y compris les mammographies, dans le cadre des services de prévention de routine.

Comme elle n’a pas eu d’assistance médicale, Derrick s’est bientôt retrouvée en train d’essayer de naviguer dans un système de soins de santé inefficace et de déchiffrer le jargon médical sur le cancer de sein.

Mais la photographe documentaire s’est vite rendue compte qu’elle avait un instrument spécial pouvant l’aider à faire face à sa maladie. Elle a retourné son appareil photo sur elle-même et a commencé par faire un reportage sur chaque étape de sa maladie et du processus de guérison.

Le résultat est une série de photos désolantes mais jolies, qui montrent le corps de Derrick avant et après l’opération. Il illustre le traumatisme de la perte de ses cheveux à cause de la chimiothérapie, des choix qu’elle a dû faire entre les prothèses mammaires et les implants, et la façon dont elle s’est occupée de ses enfants pendant sa maladie.

"Les questions sociales sont au centre de ma photographie", déclare Derrick qui, par le passé, a pris des photos sur des femmes prisonnières, des travailleuses de sexe et des travailleurs agricoles.

Les photos de Derrick sont exposées dans le cadre du festival de photographie Bonani Africa 2010: "Au-delà des apparences raciales – Les intrigues de la photographie documentaire sud-africaine, passé et présent", qui s’est ouvert le 18 août à 'Castle of Good Hope' au Cap.

Les images de Derrick seront affichées avec le travail de 53 autres photographes documentaires de l’Afrique du Sud, du Mozambique, de la Sierra Leone et de la Namibie. Les images portent sur plusieurs questions sociales, y compris la pauvreté, le chômage, les droits fonciers, l’éducation, la xénophobie, le VIH, et la violence.

Derrick déclare qu’elle n’a pas fait le reportage de sa vie avec le cancer de sein uniquement dans son propre intérêt. Elle veut également sensibiliser et éduquer d’autres femmes – et hommes – sur le cancer de sein et ce qu’il représente pour la sexualité, la féminité et l’identité des femmes.

A cause des images médiatiques de "femme parfaite" dont les consommateurs sont assaillis quotidiennement, la perte des seins et des cheveux affecte extrêmement d’habitude l’image que la femme a d’elle-même, remarque Derrick.

"La publicité nous raconte qu’une femme sans cheveux ou avec un seul sein ne peut pas être perçue comme étant belle. Les femmes ont le sentiment que le cancer leur prend leur féminité".

A travers la photographie courageuse et osée de son propre corps marqué par le cancer, Derrick espère que les spectateurs se rendront comptent de ce que la maladie fait partie de notre réalité et que les malades de cancer sont des "personnes normales".

"Mes images visent à donner un équilibre aux images de femmes que nous voyons dans les médias. J’introduis la réalité et je retire le blâme et le jugement", explique-t-elle.

Avec son exposition, elle veut également attirer l’attention des décideurs et des responsables du gouvernement dans l’espoir de les voir prioriser la prévention du cancer de sein et de rendre disponibles plus de ressources pour la prévention et le traitement.

"A travers les photos, je veux créer un débat public qui, nous espérons, résultera en davantage de soutien aux femmes", déclare Derrick. "Nous avons besoin de beaucoup plus d’éducation, concernant non seulement le cancer de sein lui-même, mais également les méthodes faciles de prévention, comme l’autopalpation".

Le cancer de sein est souvent mortel parce que la plupart des gens pensent que ça n’arrive qu’aux 'autres'. "La détection précoce est si importante. Je ne suis pas allée faire de réguliers examens, et je sais que la plupart des femmes ne le font pas. Le cancer de sein demeure une question taboue dans notre société. On n’en parle jamais", explique Derrick. Sa photographie vise à briser ce tabou.

"La photographie documentaire a un important rôle à jouer dans la société. Non seulement elle témoigne de ce qui se passe dans un pays, mais aussi est-elle en train de mobiliser pour un changement", remarque Omar Badsha, directeur du festival Bonani et fondateur de 'South African History Online'(Histoire de l’Afrique du Sud en ligne), un projet non partisan sur l’histoire du peuple, qui a organisé l’exposition.

Badsha déclare que toutes les contributions à l’exposition de Bonani, qui est suivie d’une conférence de trois jours sur la photographie, abordent des questions centrées sur la démocratie et remettent en cause l’état actuel de cette dernière. "Les photos que nous avons sélectionnées ravivent la critique sociale, enrichissent la compréhension sur les questions sociales et favorisent la réflexion des spectateurs", explique-t-il.

Comme Derrick, il croit fermement que la photographie documentaire peut contribuer au changement social: "Nous espérons créer une plateforme de dialogue et provoquer un débat continuel dans le pays qui va motiver les citoyens ordinaires à faire pression pour un changement dans les politiques et les actions de l’Etat".

Badsha a aussi promis qu’après l’exposition de 'Castle of Good Hope', les photos seront mises à la disposition des écoles, des organisations de la société civile et des ministères du gouvernement pour un travail d’éducation et de plaidoyer.

"La représentation d’une question sociale peut avoir un impact énorme. Les images peuvent surmonter les barrières sociales et linguistiques".


Tracey DerrickBorn: Kesteven, England, 1961. Lives and works in Malmesbury, Cape Town. Received her BA and Higher Diploma in Education from University of Cape Town.Trained in photographic printing, 1989, at the School of Visual Arts, New York, and in 2009 she received her post graduate Diploma in Art from Michaelis School of Fine Art, Cape Town. Awards and scholarships: Assistance from Mayibuye Centre, UWC and Format in London, 1994: Funding from Kodak, USA, 1999:Pik n’ Pay, 2006 to train women inmates at Malmsbury Prison. Exhibitions: 1995, Picture Cape Town, Landmarks of a New Generation with Michaelis School of Fine Art and Getty Foundation. Collection: Iziko National Gallery. She was nominated as one of 100 photographers worldwide by Phaidon Press, London.