BIENVENUE

L'ÉCHO DES MURAILLES, L'ÉCHO DES ENTRAILLES. Une installation murale en pratique relationnelle de Nadia Nadege, artiste qui a permis la création de ce blogue pour un échange entre femmes vers leur meilleure conscience identitaire...
LE CORPS-MESSAGER Les Marcheurs de Vie est une autre installation en pratique relationnelle de la même artiste, qui fait suite aux poupées de tissu par des figurines de plâtre.

Fonctiobn des femmes créatrices dans la société

Si la création au féminin est un genre, il faut en exclure des oeuvres de femmes dont le façonnement et la visée ne se distinguent pas de ceux de l'écriture masculine, qui relèvent de différents autres genres. Ceux-ci, pensent les féministes, occultent la femme ou ne font que reproduire des représentations classiques (vue de l'extérieur, stéréotypée: sensible, intuitive, rêveuse, passive, etc.) Comme dit Hélène Cixous, "ce n'est pas parce que c'est signé avec un nom de femme que c'est une écriture féminine".

En revanche, on peut imaginer que le genre création au féminin soit pratiqué même par des hommes, plus ou moins androgynes. L'écriture féminine appartient typiquement à notre époque mais quelques textes plus anciens permettent de reconstituer une histoire en émergence de la visée féministe voire de la poétique actuelle.

Quelles sont, d'après les théoriciennes, les constantes de l'écriture féminine? Ce serait tout d'abord une écriture essentiellement égotiste, visant à la conquête de l'identité. Jusqu'à une époque récente, les genres littéraires que les femmes ont privilégiés sont ceux du "je": la poésie (plus lyrique qu'épique), la lettre, le journal intime, le roman autobiographique. A travers le discours autobiographique, il s'agit pour la femme de s'établir comme sujet, de s'écrire autre que ne l'ont écrite les hommes, non plus de l'extérieur mais de l'intérieur.

Le corps féminin est, plus que le corps masculin, morcelé dans la littérature masculine. Le corps senti, et non pas vu, reconquiert son unité. Le retour à l'enfance (souvent à l'occasion du premier roman) participe à la quête d'identité: l'enfance est pour les femmes le moment de l'intégrité.
Ce serait encore une écriture qui pencherait vers le merveilleux et l'irréel (dans Orlando, par exemple, ce qui importe est moins la révolution turque que la métamorphose qui va permettre au héros de retrouver son identité de femme), stylistiquement marquée par le vague et le flou.

Dans cette recherche d'une autre réalité, les femmes ont été amenées à porter leur préférence sur certaines catégories esthétiques: le poétique, le merveilleux, le noir les attirent, où sont remis en cause l'organisation rationnelle et le clivage entre le réel et le surnaturel, la raison et l'imaginaire.
Les écrits féminins procédent à un traitement particulier du temps et de l'action. Il y a une relative carence de l'événement dans le roman féminin. La présence de l'événement dans le récit n'est pas conçue de la même façon par l'homme et par la femme; les romancières aiment à suggérer la vie dans ce qu'elle a d'infime, de quotidien.

Une certaine perversion du temps est sensible. Des phénomènes de perturbation comme l'analepse, la déchronologie et l'hystérologie apparaissent. Les phénomènes de rupture sont visibles au niveau de la phrase (ponctuation de l'affectivité et de la cassure) et se manifestent par la préférence pour des formes où s'inscrit la discontinuité comme le poème bref, le roman épistolaire, le journal.

Sur le plan thématique, on a relevé l'importance de l'homosexualité féminine et la platitude de caractère des personnages masculins.

Notre époque a assisté à la naissance d'un nouveau style des femmes, explicitement contestataire. En réaction contre l'appropriation masculine du langage, le mot d'ordre est de "casser" la langue pour se libérer des contraintes qui ont partie liée avec l'ordre des hommes.

Il s'agit de modifier le sens des mots et de les faire proliférer, de défaire l'ordre syntaxique en rompant avec la linéarité, en ignorant ou chambardant la ponctuation et de recourir au métalogisme, à l'ellipse, à l'anacoluthe, à l'ironie, à l'antiphrase. Les textes se caractérisent par leur relative illisibilité et par l'absence de clôture (Hélène Cixous: "un corps textuel féminin se reconnaîtra au fait que c'est toujours sans fin [...]; c'est sans bout, ça ne se termine pas, c'est d'ailleurs ce qui rend le texte féminin si difficile à lire, souvent").

Le discours féministe tente d'occuper l'espace de la langue par divers procédés: la création de néologismes, par exemple à partir du préfixe "gyn" (gynergie, gynocide) ou du préfixe "sor" (sororel, sororité), la féminisation des termes (la cielle, la soleille, la tour Effelle), le recours au sens étymologique (les propositions visent l'équité langagière, décapent les mots des couches de sens accumulées par l'usage souvent au détriment de la femme: "commère" n'avait pas de sens péjoratif au moyen âge), la création de mots-valises (ex.: "coca-colonisation"), de calembours, d'à-peu-près, d'expressions drolatiques visant à dénoncer l'oppresseur (la "société à ponctionnement cacapitaliste") et un découpage nouveau des mots, libérant de nouvelles significations (gyn-écologie).

En réaction contre la convention qui veut que la femme parle par euphémismes et périphrases pour se référer à son corps, les textes s'attachent à nommer avec précision, à appeler les choses par leur nom, à repousser consciemment l'euphémisme.

L'on y exploite tous les niveaux de langue (populaire, savant. Ex.: Marguerite Duras et Xavière Gauthier dans les Parleuses, parlent de confitures et d'écriture, faisant intervenir des niveaux de langue variés). Le bavardage est connoté positivement: l'on rejette la hiérarchisation des discours.
Les images créées sont surprenantes, en dehors de toute logique. Très vite le lecteur ne sait plus où est le comparé, où est le comparant (isotopie en équilibre).

Sur le plan du contenu, on valorise la sorcière et sa fonction de transgression (Anne Hébert, les Enfants du sabbat), on valorise la folie (Louki Bersianik, Maternative), envisagée comme une manifestation d'une opposition à la norme. On décrit le corps. Les parties du corps sont exhibées et magnifiées. Les femmes développent toute une thématique féminine (la sexualité féminine, la grossesse, l'accouchement). La matière de la littérature est la condition féminine sous tous ses aspects.