GUÉRIR LA BLESSURE
D'ABANDON (suite)
Par DANIEL DUFOUR
Extraits de son livre La
blessure d'abandon
Les Éditions de
l'Homme, 2007
S'accorder le
droit d'avoir des émotions, de les ressentir et de les exprimer
Nous avons vu
que l'abandonnique a de la difficulté à s'autoriser à ressentir de la
tristesse, qu'il a tendance à la minimiser en disant qu'elle a peu d'importance
et qu'elle est insuffisante pour qu'il pleure. L'abandonnique va avoir encore
plus de difficulté à reconnaître la colère qu'il éprouve envers une personne
aussi proche et importante que sa mère, son père, ou ceux qui lui ont servi de
parents. Il n'est en effet pas concevable de nourrir une colère aussi forte
envers des gens que l'on est censé respecter et aimer. Ressentir de la colère
est équivalent à se conduire comme un individu égoïste, ingrat, qui n'a même
pas, comme le dit l'expression populaire, la "reconnaissance du ventre".
Bref, l'abandonnique
va se servir de tous les arguments issus de son mental pour se refuser le droit
d'être en colère. Une façon d'aider la personne souffrante à accepter sa colère
consiste à lui rappeler que les émotions que nous ressentons vis-à-vis de ceux
qui nous entourent, tels que nos parents, nos frères et sœurs, notre femme ou
notre mari, et nos enfants, sont forcément plus fortes que celles que nous
ressentons vis-à-vis de personnes étrangères. Il est par conséquent
"logique" que nos joies, nos tristesses et nos colères soient
également plus fortes envers ces personnes que celles que nous nourrissons
envers d'autres personnes qui ne nous touchent pas d'aussi près.
Il est capital
que l'abandonnique s'accorde le droit d'être en colère et triste d'avoir été abandonné.
Toute son éducation ainsi que tout son vécu lui ont refusé ce droit jusqu'à
présent. Et il est essentiel qu'il se donne ce droit plutôt que de
l'attendre des autres, ce qui est son premier réflexe. Il a en effet tendance à
désirer en parler à l'autre afin que ce dernier l'approuve et lui donne raison
de ressentir cette émotion. Or, il est évident que l'autre soit ne va pas lui
reconnaître ce droit, soit va le lui reconnaître mais en le minimisant et en
lui demandant d'en faire autant: "Je comprends que tu sois en colère, mais
pas à ce point!" De plus, l'autre va souvent disposer d'excuses
convaincantes, et réelles pour lui, qui risquent fort de faire replonger la
personne souffrante dans son refus de ressentir les émotions liées à ce qu'elle
a vécu.
Dans tous les
cas de figure, l'abandonnique va devoir faire taire son mental afin de se
laisser vivre tel qu'il est et de s'autoriser à ressentir des émotions de
colère et tristesse. C'est un grand travail d'Amour de lui-même qui lui est
demandé, d'autant plus difficile qu'il n'a pas eu pour habitude de s'accorder
beaucoup d'amour jusqu'à ce jour. Il va par conséquent falloir qu'il soit
patient avec lui-même et s'attende à ce que sa progression vers la guérison
soit parfois cahotante et le conduise temporairement à la rechute.