GUÉRIR LA BLESSURE
D'ABANDON (suite)
Par DANIEL DUFOUR
Extraits de son livre La
blessure d'abandon
Les Éditions de
l'Homme, 2007
2.
Reconnaître, ressentir et exprimer ses émotions
Comme nous
venons de le voir, la première étape est essentielle. À moins d'éteindre son
mental, il est illusoire et impossible d'accéder aux émotions. Une émotion ne
peut en effet être reconnue, ressentie et exprimée tant que le mental est en
activité puisque le rôle de ce dernier est de nous couper de ce que nous
ressentons. Souvenons-nous aussi de ce que l'abandonnique a énormément de
difficulté à s'accorder le droit de ressentir les émotions de colère liées à
son abandon. Il est par conséquent capital qu'il puisse se retrouver dans son
corps physique et sensoriel afin de s'autoriser à évoluer sur le plan
émotionnel.
Reconnaître
les émotions générées par l'abandon peut être difficile pour de multiples
raisons. Ces raisons, nous allons le voir, sont toutes liées au mental. La
personne souffrant d'abandonnite a vécu un événement initial lors duquel elle
s'est sentie abandonnée. Sa réalité est par conséquent d'avoir été délaissée,
par une ou plusieurs personnes, à un âge où l'enfant qu'elle était se trouvait
dans l'impossibilité de survivre par lui-même et dans une dépendance absolue
vis-à-vis des personnes qui le rejetaient.
Qui plus est, l'abandon est, d'une
part, un acte qui dure un certain temps, de quelques heures à quelques années,
et, d'autre part, un acte perpétré par des êtres proches de celui qui subit
cette violence. Le choix de la victime est alors simple: soit mourir et nous
avons vu qu'une partie des victimes font ce choix, soit vivre, mais en se
protégeant de l'agression vécue...
Le mental...
est à la source de nombreux actes qui sont devenus des sortes de "réflexes
conditionnés". C'est ainsi que l'abandonnique abandonne l'autre avant de
l'être lui-même, ou ne s'investit pas dans une relation par peur de souffrir,
comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents.
La personne souffrant
d'abandonnite est très bien équipée pour ne pas reconnaître qu'elle a des
émotions et ne pas s'accorder le droit d'avoir ces émotions. Cette
reconnaissance va pourtant devoir se faire, en trois étapes:
•
reconnaître l'abandon;
•
reconnaître les émotions liées à l'abandon;
•
s'accorder le droit d'avoir des émotions, de
les ressentir et de les exprimer.
Si la personne
souffrante ne passe pas par ces trois étapes, elle persistera à nier le fait
qu'elle a été l'objet d'un acte d'une violence extrême et continuera à subir
toutes les conséquences liées à cette non-reconnaissance. De plus, il lui sera
impossible de ressentir ses émotions, passage obligatoire avant de pouvoir les
exprimer.
Cela dit, souvenons-nous de cette règle d'or: il est absolument
contreproductif d'essayer de prouver à une personne souffrant d'abandonnite
qu'elle a été abandonnée. Seule elle-même est capable de parvenir à cette
conclusion, et il n'appartient à personne, pas plus aux thérapeutes qu'aux
autres, de le faire à sa place.