GUÉRIR LA BLESSURE
D'ABANDON (suite)
Par DANIEL DUFOUR
Extraits de son livre La
blessure d'abandon
Les Éditions de
l'Homme, 2007
En parvenant à
éteindre son mental, l'abandonnique commence à échapper à la peur et à la
culpabilité, qui sont, comme nous l'avons vu, ses plus fidèles compagnes.
Toutes les "pensées dans le vide", générées par le mental,
disparaissent dès qu'il se situe au présent. La peur d'être "abandonné
demain parce que je l'ai été hier" ou la culpabilité à l'idée de "ne
pas avoir été à la hauteur" cèdent la place au constat de la réalité:
"Je suis maintenant avec l'autre qui est à mes côtés." Le manque de
confiance en soi disparaît dès que l'abandonnique accepte de se mettre en
contact avec son corps physique et sensoriel. Bien entendu, cela ne dure que le
temps pendant lequel le mental cesse d'intervenir. Mais ne serait-ce
qu'apercevoir cette autre réalité, même de façon furtive dans un premier temps,
c'est déjà une lumière dans l'obscurité.
Il faudra
ensuite de la persévérance et de la constance à l'abandonnique pour parvenir à
faire que ces courts moments deviennent de plus en plus longs et durables.
C'est ainsi qu'il se rendra progressivement compte que ses peurs, son sentiment
de culpabilité, son manque de confiance en lui et tous les jugements
dévalorisants qu'il porte sur sa personne ne sont que des inventions de son
mental.
L'abandonnique prendra conscience du fait que, si son mental lui a
sauvé la vie dans son enfance ou sa jeunesse, il est désormais devenu inutile,
voire dommageable, car il l'empêche de vivre sa vie et de profiter pleinement
de celle-ci.
Tout au plus pourra-t-il le remercier pour l'aide vitale qu'il lui
a apportée dans le passé, mais il devra désormais avancer dans la vie sans lui.
L'abandonnique va devenir conscient de la différence essentielle existant entre
la solitude et l'isolement: l'isolement est l'absence de l'autre vécue comme un
manque et ressentie comme une souffrance; la solitude est un état de présence à
soi-même et de bien-être qui ne peut être ressenti qu'au présent.
Progressivement,
l'abandonnique prend conscience des qualités qui font de lui un être unique et
ayant de la valeur... En étant davantage dans le moment présent, l'abandonnique
parvient à être beaucoup plus en contact avec lui-même. L'activité de son
mental étant stoppée, il peut prendre conscience de la personne qu'il est, et
se rend compte qu'il est très souvent dans le faire plutôt que dans l'être.
Cette prise de conscience est importante, car c'est grâce à elle que
l'abandonnique va redécouvrir ce qui fait de lui un être beau et unique. Il va
pouvoir, par la même occasion, reprendre contact avec sa créativité, son
intuition, son savoir inné, et découvrir qu'il a au fond de lui des richesses
oubliées et inexploitées qui ne demandent qu'à être utilisées. Bien entendu,
son mental se manifeste régulièrement et joue son rôle de sape qui fait dire à
l'abandonnique
"Tout cela est bien beau mais ..." Il faut alors de
nouveau éteindre son mental, parvenir à ne plus dire "mais", qui est
un synonyme de frein, d'inaction et de non-amour. Ce n'est qu'en persévérant
dans cette voie que l'abandonnique pourra retrouver une estime de lui-même,
acquérir une plus grande confiance en lui et s'autoriser à être davantage à
l'écoute des besoins réels et profonds qu'il a si longtemps niés et ignorés.
C'est en s'accordant ces petites "touches d'amour" que l'abandonnique
va prendre conscience qu'il existe par lui-même, qu'il a une valeur certaine et
qu'il n'a pas besoin de l'assentiment des autres pour s'autoriser à vivre.
Mais vivre au
présent en faisant taire son mental met l'abandonnique face à ses émotions. Il
lui faut alors impérativement passer à la seconde étape afin de poursuivre son
chemin vers la guérison: reconnaître, ressentir et exprimer ses émotions.