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L'ÉCHO DES MURAILLES, L'ÉCHO DES ENTRAILLES. Une installation murale en pratique relationnelle de Nadia Nadege, artiste qui a permis la création de ce blogue pour un échange entre femmes vers leur meilleure conscience identitaire...
LE CORPS-MESSAGER Les Marcheurs de Vie est une autre installation en pratique relationnelle de la même artiste, qui fait suite aux poupées de tissu par des figurines de plâtre.

Être politisé, qu’est-ce que cela veut dire ?


Submitted by Ghadeer Malek on February 16, 2011
Je viens d’une région où la situation politique est constamment explosive. Il y a eu plus de 10 grandes guerres au Moyen-Orient ces 60 dernières années et la région est un terrain fertile pour les projets d’expansion impérialistes des puissances européennes et américaines. Ces derniers mois ont été particulièrement tumultueux, avec la Révolution tunisienne, qui a provoqué une réaction en chaîne dans la région, puis les épisodes en Égypte, en Algérie, au Yémen et en Jordanie, sans parler du « oui » récent au référendum sur la sécession sud-soudanaise du Nord et la chute du parlement libanais. Étant donné le grand nombre de changements explosifs simultanés, il me semble que nous avons là à faire à une lutte dont le but est de réaffecter le pouvoir et de se libérer de régimes politiques oppressants.

ceci m’a amené à me poser la question suivante : être politisé, qu’est-ce que cela veut dire ?

En tant que féministe, je vois instinctivement la politique à travers le prisme des rapports de force. A mes yeux, la politique est intrinsèquement liée au pouvoir, à ce que nous en faisons et comment : c’est quelque chose qu’on peut transférer, détenir, contrôler et/ou définir. Et lorsque je me demande ce qui est clairement « politique », je pense aux gouvernements, aux partis politiques, aux structures étatiques ainsi qu’aux acteurs non étatiques revendiquant le contrôle du pouvoir de l’État. Je me demande alors : si le pouvoir est au centre du politique, est-ce une ressource limitée pour laquelle il faut se battre ? Ou cette mentalité est-elle le produit du capitalisme, un système où la compétition limite les ressources à un petit groupe de privilégiés ?
Depuis le début des mouvements féministes, les femmes se battent pour une meilleure représentation en politique. L’ordre patriarcal empêche les femmes d’accéder aux structures de pouvoir de l’État où se jouent la construction, le contrôle et l’organisation de la société. Selon la définition traditionnelle du rôle des hommes et des femmes dans de nombreuses régions, la politique est considérée comme ne faisant pas partie du domaine de la femme. Pourtant, beaucoup de femmes sont impliquées dans de nombreux mouvements politiques ou nationalistes partout dans le monde. Elles ont joué et jouent un rôle à part entière dans les soulèvements qui ont lieu actuellement au Moyen-Orient et il est difficile d’ignorer leur présence visible dans les rues.
Dans certaines parties du monde, les luttes féministes ont réussi à imposer des quotas pour garantir une meilleure représentation des femmes au sein du gouvernement. Et pourtant, dans la plupart des structures étatiques, il y a encore très peu de femmes et les mouvements nationalistes n’ont en général pas eu grand-chose à leur offrir en échange. Là où les femmes ont réussi à percer dans la politique étatique, certaines ont été forcées de se fondre dans cet ordre patriarcal au lieu de pouvoir les changer. De même, les mouvements nationalistes ne se sont pas vraiment empressés de s’exprimer au sujet de la question des femmes.
Les mouvements féministes ont compris, depuis longtemps déjà, qu’il faut amener le changement à d’autres niveaux que celui de l’État. Certaines féministes seraient même prêtes à affirmer que les structures étatiques et internationales, telles que l’ONU ou le système international des droits de l’homme, sont inefficaces et que c’est du dialogue avec les femmes sur le terrain et de l’apprentissage de l’autodétermination que provient le changement. Elles argumenteraient également que ce type de changement est tout aussi politique (voir plus) parce qu’il cherche à transformer les rapports de forces au lieu de se limiter à promouvoir la représentation des femmes au sein des structures étatiques.
Une autre dimension de cet « être politisé » a été introduite dans les années 1960 et 1970, lorsque les féministes ont commencé à voir un lien entre les luttes personnelles et le contexte politique et social. Ceci a, à mon sens, forcé les mouvements féministes à percevoir le patriarcat comme un système présent dans tous les espaces, y compris le nôtre, et à déconstruire la manière dont nous recréons les rapports de force du patriarcat.
Il ne fait aucun doute que les mouvements féministes ont été des acteurs du changement politique. Néanmoins, je ne peux m’empêcher, en temps de révoltes et de guerres, d’être frustrée, parce les femmes ont à se battre dans des combats qui découlent de décisions prises par des structures dominées par les hommes. D’avoir plus de femmes au sein des gouvernements n’a pas toujours permis de faire adhérer la politique étatique aux valeurs féministes ou d’améliorer notablement la vie des femmes. Parce que les femmes jouent un rôle aussi important en ce moment pour provoquer un changement révolutionnaire au Moyen-Orient, je suis forcée de me demander si elles disposeront encore d’un espace d’accès au pouvoir au sein des nouveaux gouvernements qui soit à la hauteur de leur incitation actuelle à s’engager dans ces luttes. Et si tel est le cas, quelles leçons pouvons-nous tirer des luttes que nous avons menées pour une meilleure représentation des femmes en politique au sujet des stratégies de représentation basées sur l’identité. Et enfin et surtout, est-il indispensable que nous gagnions notre lutte pour une véritable représentation et participation des femmes en politique pour pouvoir accéder aux mécanismes qui influent sur la vie des femmes de manière radicale et directe ?
*Écrit par Ghadeer Malek du programme d’activisme des jeunes féministes, le contenu de l’article est l’opinion personnel à elle sur le sujet.
http://yfa.awid.org/fr/2011/02/etre-politise-quest-ce-que-cela-veut-dire/