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L'ÉCHO DES MURAILLES, L'ÉCHO DES ENTRAILLES. Une installation murale en pratique relationnelle de Nadia Nadege, artiste qui a permis la création de ce blogue pour un échange entre femmes vers leur meilleure conscience identitaire...
LE CORPS-MESSAGER Les Marcheurs de Vie est une autre installation en pratique relationnelle de la même artiste, qui fait suite aux poupées de tissu par des figurines de plâtre.

A Arles, le vêtement fait l'identité

Photo de clement baudet

En 2008, aux 39e Rencontres de la photographie d'Arles, les festivaliers attendaient - à tort - du glamour et des paillettes. Car pour la première fois, le directeur artistique invité n'est pas issu de la photographie mais de la mode. Après Martin Parr et Raymond Depardon, c'est le couturierChristian Lacroix qui a été chargé de la programmation. Pour ne pas rater les défilés parisiens, l'enfant du pays a décalé d'une semaine les dates du festival.
Attendu sur la mode, le couturier a contourné le piège. "Je n'aime pas la photographie de mode proprement dite, tranchait-il avant l'ouverture. J'aurais pu faire une sélection très lisse avec les plus belles photos de magazine, mais je ne suis pas taxidermiste ! A exposer le papier glacé on risque de le glacer un peu plus." Si la mode est présente à Arles, elle l'est en pointillés. "Quand on parle de vêtements, le plus intéressant c'est le côté grave, ce qui touche à l'identité, à l'apparence." Le baroque, le kitsch, le flamboyant, longtemps associés à son univers, ont été évacués.
Au final, le parcours concocté à Arles offre des propositions décousues, parfois intéressantes, mais pas de découverte majeure ou frappante. L'ensemble s'apparente moins à une prise de position esthétique qu'à un autoportrait qui met en valeur les goûts, les amitiés et les héritages du couturier. Chez Lacroix, la ville d'Arles joue un rôle de premier plan : "Je voulais montrer Arles comme je le vois, avec sa sensualité un peu lugubre, son côté mortifère et délétère." Une exposition pléthorique faite à partir d'images d'archives collectées sur place montre les inévitables Gitans, les taureaux et les reines d'Arles, mais pas seulement : il y a le camp d'internement pour Gitans durant la guerre ou les bombardements.
Côté mode, Christian Lacroix a scruté la "photographie vestimentaire" d'abord par le biais de ses coulisses et de l'image utilitaire. Voilà qu'on découvre des images inconnues, sorties du Musée des arts décoratifs : les photos des modèles destinées à contrer les copies et les faussaires ; les lookbooks, inventaires de collections ; ou les natures mortes de rouges à lèvres ou de chaussures. Des idées décalées et passionnantes, mais qui pêchent souvent par l'absence d'analyse historique ou par un accrochage antipédagogique : les images empilées, accrochées en tous sens, deviennent illisibles.
RAIDES ET DISTANCÉS
Finalement, la mode est surtout là où on ne l'attend pas. Les photographes habitués des magazines invités par Lacroix ont préféré présenter des oeuvres personnelles, intimes. Certains trouvent le ton juste, comme Françoise Huguieret Paolo Roversi, mais d'autres se fourvoient en tentant de "faire l'artiste".
Inversement, il y a chez certains photographes une réflexion sur les rapports du vêtement et de l'identité, sur le déguisement et l'uniforme. Prenons Samuel Fosso : avec constance et narcissisme, ce Camerounais installé en Centrafrique se met en scène depuis les années 1970 dans des autoportraits. Il s'est d'abord rêvé en tombeur à la mode, vêtu de pantalons moulants, parfois de chaussures à talons, s'inventant un personnage à l'identité sexuelle incertaine. Puis il s'est mis à incarner, dans des mises en scène plus politiques, des archétypes de la société africaine, modèles ou contre-modèles assumés. Tel Le chef qui a vendu l'Afrique aux colons contre des colifichets.
C'est aussi le rôle du vêtement qui sous-tend le travail de Charles Fréger. Dans sa série "Empire", le photographe a dressé un inventaire des tenues portées par les gardes royales ou républicaines. Les uniformes du Garde suisse ou Blackwatch écossais, très différents, répondent à la même fonction symbolique de représentation. Les portraits de Fréger sont raides et distancés, le soldat semble conscient d'incarner, par sa pose et son habit d'apparat, une identité globale qui le dépasse. "L'individu ne s'efface pas forcément derrière le collectif, précise Charles Fréger. L'uniforme peut être un révélateur, un catalyseur d'identité." Pour l'exposition, le photographe s'est fait fabriquer un uniforme imaginaire, dont les boutons, la forme du chapeau, les couleurs, correspondent à des codes précis. Et l'on revient, in fine, à la mode : pour le photographe, il ne fait aucun doute que cette imagerie symbolique a inspiré certains stylistes.

Rencontres de la photographie d'Arles. 60 expositions jusqu'au 14 septembre. Soirées au Théâtre antique et dans la ville jusqu'au 12 juillet. Expositions : entrée de 5 € à 12 €, forfaits de 21 € à 40 €. Soirées au Théâtre antique de 19 € à 30 €, Nuit de l'année et Nuit de l'Europe le 9 et le 11 juillet, gratuites. Colloque. Tél. : 04-90-96-76-06.
"La Commande en photographie et dans les arts plastiques". Catalogue, éd. Actes Sud, 504 p, 39 €.
Claire Guillothttp://www.lemonde.fr/culture/article/2008/07/08/photographie-a-arles-le-vetement-fait-l-identite_1067627_3246.html